Le Carnaval de Chalon est dérivé de la « Fête des Fous » qui se célébrait, au Moyen-âge, au milieu des pires extravagances, dans notre bonne ville de Chalon. Dès le 15 décembre, on élisait dans la Cathédrale Saint-Vincent, parmi les membres du clergé, et de préférence parmi les enfants de chœur, un « évêque des fous » qui officiait pontificalement, distribuait des bénédictions, ordonnait des processions publiques, et touchait même des redevances. Cloches carillonantes, il était promené sur un âne, entouré d’un clergé burlesque, avant de dîner en public sur une estrade dressée devant les portes de la Cathédrale.
Beaucoup plus tard, Cyrus de Thiard, un évêque, réussit à interdire ces fêtes païennes dans les églises. Ainsi, elles continuèrent dans la rue, et nos fêtes de Carnaval en sont la continuation atténuée.
Sous François 1er, à Chalon-sur-Saône, une Confrérie qui s’intitulait « L’Abbaye des Enfants », dirigée par un chef permanent nommé « l’Abbé de la Grande Abbaye », élisait à l’époque du Carnaval, un autre dignitaire, qui lui, était éphémère et s’appelait « Le Roi des Enfants ». On rapporte que son élection causa de violentes bagarres en 1598.
Plus tard, il semble que c’est la corporation des bouchers qui eut le mérite de perpétuer le Carnaval de Chalon. Cette corporation promenait chaque année de beaux bœufs gras dans les rues principales de la ville. Mais pour corser l’affaire, elle promenait également un mannequin grotesque, responsable de tous les méfaits de l’année. Ce mannequin, après avoir été « beurdollé » était, le soir du mardi-gras, brûlé sur le Pont St Laurent, puis jeté en Saône.
Lorsque la corporation des bouchers abandonna l’organisation du Carnaval, ce fut la corporation des « pisteurs » qui pris le relais. Tous les ans, les Pisteurs de la ville fabriquaient un mannequin, bourré de paille et habillé de loques et ils le sautaient à la couverte dans toutes les rues de Chalon, l’après-midi du Mardi-Gras. Le supplice de Carnaval avait lieu traditionnellement à la deuxième arche du Pont Saint-Laurent. Seules les années de guerre et de révolution ne virent pas se dérouler ces défilés burlesques.
Au milieu du XIXème siècle, de grands bals furent organisés chaque année le soir du Lundi-Gras, au Salon du Colisée et au Théâtre Municipal. A la fin du XIXème siècle, le grand bal de nuit avait lieu le Mardi-Gras à 20 heures. A minuit, avait lieu un défilé des masques, une bataille de confettis, une distribution de « mirlitons et éventails », enfin une grande farandole de tous les costumés.
En 1900, un premier et timide essai de cavalcade eut lieu avec plusieurs chars occupés par des artistes et de jeunes marchandes de fleurs. L’Harmonie avait organisé un bal d’enfants à la salle des fêtes. En 1901, le Mardi-Gras tomba en période de grève générale, et aucune réjouissance n’eut lieu.
En 1902, 1903 et 1904, de petites cavalcades se promenèrent en ville, avec le cortège traditionnel du mannequin de Carnaval « beurdollé » par les Pisteurs. La bataille de confettis devint de plus en plus animée. Elle se déroulait toujours sur le Quai des Messageries, dans la Grande Rue, mais de plus en plus également sur le nouveau Boulevard de la République. En 1905, une commission dite du « Cortège Traditionnel de Carnaval » tenta une organisation des Fêtes du Carnaval. Les ressources étaient maigres, mais quatre chars furent quand même montés, ce qui corsa infiniment le défilé, d’autant plus que des groupes originaux, ancêtres des « Gôniots », suivaient ces chars.
En 1906, un groupe de Chalonnais s’érigea en « Comité provisoire » et organisa un Carnaval beaucoup plus important qui, malheureusement, fut contrarié par des pluies torrentielles. Les dépenses s’élevèrent à la somme de 1234,55 F
L’élan était donné. C’est à partir de cette date que le Carnaval de Chalon devint vraiment une fête importante du calendrier national.Le 06 décembre 1906, Monsieur Léon PROST, entrepreneur, créa le « Comité Permanent Chalonnais des Fêtes de Bienfaisance du Commerce et de l’Industrie », dont il devint le Président. Ce jeune Comité se chargea de toute l’organisation du Carnaval 1907 et élabora un solide programme.
Ce programme comportait :
-Dimanche 10 février, à 14 heures, un Bal d’Enfants à la Halle aux Grains, avec distribution de friandises aux jeunes danseurs et, au pourtour, un grand corso carnavalesque et une bataille de confettis.
-Lundi 11 février, à 20 heures, une grande retraite illuminée.
-Mardi 12 février :à 13 heures, la Grande Cavalcade. à 18 heures, exécution du Vieux Carnaval sur le Pont Saint-Laurent.
à 21 heures, à la Halle aux Grains, un Grand Bal Masqué, avec splendide éclairage électrique de 800 lampes.
-Dimanche-Gras, de nombreux groupes de déguisés se promenaient dans les rues. C’étaient déjà des Gôniots, à qui il ne manquait que cette dénomination.
-Mardi-Gras, les bouchers reprirent la tradition du Boeuf Gras et promenèrent en ville une bête splendide.
Cette fête eut un tel succès (plus de 10 000 étrangers à notre ville étaient venus y assister) que le Comité décida de recommencer. C’est ainsi que, depuis 1906, nos fêtes du Carnaval Chalonnais ont été en s’amplifiant. Certaines furent des réussites sensationnelles
-1908 : première élection des Reines.
-1910 : naissance officielle des Gôniots.
-1914 : triomphe, avec 19 chars et groupes
Après la terrible épreuve de la guerre de 1914-1918, ce n’est qu’en 1921 que le Comité des Fêtes pensa opportun d’organiser à nouveau un Carnaval. Entourant des chars improvisés, 5000 déguisés gambadaient devant les visiteurs éblouis.
De 1922 à 1938 eurent lieu à Chalon les plus joyeux Carnavals que l’on puisse imaginer.
Après la deuxième guerre mondiale, les Fêtes du Carnaval reprirent en 1946 et les premières années, la jeunesse de notre ville extériorisa l’exubérance qui n’avait pu être étalée au grand jour pendant les longues années d’occupation. Puis le Carnaval de Chalon prit, petit à petit, l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui : celui d’un Carnaval Spectacle bien organisé, splendide, rutilant, avec ses chars immenses, ses très nombreuses grosses têtes, ses musiques majestueuses, ses groupes d’animateurs joyeux.
Aujourd’hui, cette grande manifestation populaire est le 93ème Carnaval du Nom, avec un esprit gôniotique qui n’a pas pris une ride.